Marc-André Gennart est le nouveau directeur général de l’Aéroport de Lille depuis le 1er janvier 2020. Après avoir notamment dirigé les services financiers de Brussels Airport et après un passage chez Sabena, le cadre d’Eiffage prend la tête de l’Aéroport avec de grandes ambitions. La crise Covid-19 a impacté le trafic aérien, mais le nouveau DG reste confiant sur la reprise de celui-ci et sur la suite du développement de l’Aéroport de Lille.
Retour rapide sur le parcours de Marc-André Gennart
• 2020 / Directeur Général de l’Aéroport de Lille
• 2018 – 2020 / Consultant stratégique – Airports M&S / Eiffage
• 2010 – 2018 / Directeur financier – Brussels Airport
• 2002 – 2010 / Directeur financier – FlightCare
• 2000 – 2002 / Contrôleur de gestion – Sabena
• 1999 – 2000 / Contrôleur de gestion – Puratos (Amérique Latine)
Nous sommes dans une région transfrontalière, peut-on supposer que votre souhait est que l’Aéroport de Lille soit le 1er aéroport des Belges frontaliers ?
Notre volonté est clairement de repositionner l’Aéroport de Lille, qui reste sous-dimensionné, dans la Région des Hauts-de-France. L’objectif n’est pas d’aller chercher à tout prix la clientèle des aéroports de Charleroi ou de Bruxelles mais bien de limiter l’afflux et la fuite des passagers de la métropole lilloise vers ces autres aéroports. Nous souhaitons être complémentaires et non les remplacer. L’idée est d’inciter les habitants des Hauts-de-France à privilégier l’Aéroport de Lille lorsque cela est possible afin de leur éviter des trajets coûteux et chronophages. On ne peut pas fixer les gens à un seul aéroport ou un seul choix, mais nous devons proposer des destinations, des services et horaires attractifs pour les habitants de la métropole.
L’Aéroport de Lille en quelques chiffres
- En 2017 : 1 905 608 passagers ont transité par l’Aéroport de Lille
- En 2019: 2,2 millions de passagers
- En février 2020, c’est 132 430 passagers qui sont passés par l’aéroport contre 63 000 en mars
- à 15 minutes du centre-ville de Lille
- au cœur d’une métropole et d’une région de 6 millions d’habitants (3ème région de France)
- un aéroport au cœur de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai
- un aéroport desservi par 4 autoroutes (A1, A23, A25, A27)
Selon vous, est-ce que l’arrivée d’un Belge à la tête de l’Aéroport de Lille est synonyme de l’augmentation de la notoriété de l’aéroport de l’autre côté de la frontière ?
Oui, en tout cas c’est possible. Cela aide à améliorer sa visibilité puisque une partie de la presse belge s’y intéresse. Un aéroport doit se faire connaitre et être présent dans l’esprit des gens. Dans les zones frontalières on observe un mixage intéressant. On ne s’arrête plus aux frontières physiques, les aéroports évoluent au-delà des frontières. On observe déjà ce cas en Belgique puisque beaucoup de Néerlandais viennent y prendre l’avion. Pour les Lillois, nous avons l’ambition de leur présenter un aéroport qui se développe, qui s’agrandit, et qui offre une qualité de services dont ils pourront être fiers.
Nous ne souhaitons pas créer des destinations à moins de 2h30, qui par ailleurs, doivent être bannies au niveau des vols. L’Aéroport de Lille n’a pas attendu cette ligne de conduite pour prendre ce genre d’initiative. Nous devons être plus responsables lorsque l’on prend l’avion. S’il y a des moyens plus écologiques et économiques comme le train pour les distances courtes, alors cela reste la meilleure solution. L’avion reste une alternative responsable et économique pour les personnes ayant un emploi du temps serré. Il est important de changer l’image du transport aérien et de montrer que les compagnies aériennes et les aéroports sont conscientisés au sujet du respect de l’environnement. Nous devons prendre des décisions responsables, le respect de l’environnement est un axe majeur dans le développement des aéroports et notamment celui de Lille. C’est une obligation pour l’industrie aérienne de se réadapter si on veut continuer à utiliser l’avion dans le futur.
En créant cette extension, notre souhait est de limiter les impacts environnementaux, que ce soit en terme de pollution sonore, environnementale, de traitement de l’eau, de gestion des énergies. Ceci est au centre de nos priorités et cela ne va faire que s’accélérer. Eiffage est tourné vers l’environnement, c’est le 1er aéroport que le groupe acquiert, il y a donc cette volonté qu’il devienne une véritable vitrine. Nous pouvons même parler de laboratoire de test de nouvelles technologies. Nous allons installer des ombrières sur les parkings, et avons comme projet des serres à étages pour alimenter les restaurants à l’intérieur du terminal, un système de récupération des eaux usées et de recyclage des déchets. Et ce, pas seulement pour l’Aéroport mais aussi pour tous les acteurs impliqués en son sein. C’est une belle opportunité pour fédérer les équipes derrière ce projet, puisque chacun se sent concerné. En terme de projets à venir, l’aérogare doit être rénovée et ainsi passer de 18 000 à 32 000 m².
Aussi, le groupe Eiffage projette la création de nouvelles jetées et passerelles pour pouvoir accueillir plus d’avions « au contact » pour plus de confort , notamment pour que les passagers puissent aller vers l’avion en étant abrités, ainsi que le développement de nouveaux commerces et services.
A votre prise de fonction en janvier, vous avez évoqué de grandes ambitions : passer de 2,2 à 3,9 millions de passagers par an d’ici 2040. Pensez-vous que cela sera possible avec la période actuelle? Comment comptez-vous vous y prendre ?
Je n’ai pas de boule de cristal, nous ne savons pas de quoi sera fait demain, mais je reste persuadé que cela sera possible. Nous avons la volonté d’une croissance pérenne, cohérente et maîtrisée. Nous ne souhaitons pas devenir un aéroport comme les autres, nous voulons rester diversifié au niveau de notre portefeuille clients. Nous avons aussi pour ambition d’être une vitrine pour la région de Lille, en mettant en avant certaines marques et enseignes locales emblématiques au rayonnement mondial comme les boulangeries Paul par exemple.
Quelle est votre vision du trafic aérien suite à la crise Covid-19 ?
Les gens ne vont plus voyager de la même manière. Nous allons assister à une transformation du trafic aérien, surtout concernant les vols de courtes distances. L’Aéroport de Lille ne créera pas de liaisons à moins de 800 km ou à moins de 2h30 de train. Ce n’est pas responsable si on veut un aéroport respectueux. Il est certain que cette crise va bouleverser la façon de voyager des passagers, mais il y a toute une série de réunions inutiles qui peuvent être remplacées par des réunions en vidéoconférence. Cela a du sens, et cela fait gagner du temps à tous. Il va quand même rester un besoin très important notamment en terme de VFR (Visiting Friends and Relatives > personnes qui vont visiter leurs proches et leur famille). Je pense que nous allons observer une transformation claire des voyages mais il y aura toujours un besoin de voyager par avion.
« Quand on donne du sens et des valeurs au projet que l’on développe, cela attire et fédère les gens.»
crédit photo: © Aéroport de Lille SAS/ L. Ghesquiere